En zone euro, l’inflation reflue, mais la consommation flanche
lundi 05 juin 2023, source : Joural Le Monde
Après avoir atteint 10 % en novembre 2022, la hausse des prix en mai
a marqué un net recul, à 6,1 %. Mais l’économie est en stagnation
Cette fois, le reflux est net.
En mai, l’inflation en zone
euro (sur un an) était de
6,1 %, contre 7 % le mois précédent
et un pic de 10,1 % en novembre
2022, selon les données
publiées jeudi 1er juin par Eurostat,
l’institut statistique européen.
La France (6 %) et l’Allemagne
(6,3 %) sont dans la moyenne
européenne, l’Italie (8,1 %) et les
trois pays baltes (de 10 % à 12 %)
sont au-dessus, tandis que l’Espagne
(2,9 %) et la Belgique (2,7 %)
sont désormais nettement en
dessous, mais tous connaissent la
même tendance à l’accalmie.
« Enfin une surprise du côté de l’inflation,
qui baisse », s’exclame Mateusz
Urban, du cabinet Oxford
Economics.
Les raisons en sont essentiellement
mécaniques, à la suite du recul
des prix de l’énergie, mais cela
offre néanmoins une respiration
bienvenue aux ménages européens.
Car, par ailleurs, tous les signaux
économiques sont en
train de virer au rouge : l’Allemagne
est officiellement entrée en
récession, la consommation des
ménages est en berne, et la production
industrielle enregistre
une lourde chute. « La croissance
de la zone euro a été soutenue
parce que les importations ont
baissé, ce qui améliore mécaniquement
la balance commerciale,
souligne Nicolas Goetzmann,
économiste à Financière de la
Cité, une société de gestion. Mais
pour le pouvoir d’achat et les ménages,
c’est une récession. »
Dans le détail, le ralentissement
de l’inflation enregistrée en mai
vient essentiellement de la chute
des prix de l’énergie, en recul de
1,7 % sur douze mois. Le cours du
baril de brent, qui avait dépassé
110 dollars, tourne aujourd’hui
autour de 72 dollars. Pour le gaz,
après une envolée cet été à plus de
300 euros du mégawattheure, il
se négocie aujourd’hui à 27 euros.
Progressivement, ce choc énergétique
historique se transmet
au système économique, à commencer
par l’alimentaire, qui
utilise
du gaz et du pétrole à tous
les niveaux (engrais, carburant
pour les tracteurs, chauffage dans
les serres…). Pour l’instant, malgré
un léger reflux, l’inflation alimentaire
reste très forte, à 13,4 %
en mai. En revanche, ailleurs,
on observe des signes de détente.
Indice très suivi par la Banque
centrale européenne, la hausse
du prix des services passe de 5,2 %
en avril à 5 % en mai. L’inflation
dite « sous-jacente » (hors énergie
et alimentaire) ralentit aussi,
de 5,6 % à 5,3 %.
Coup de frein
Malgré ce léger mieux, le choc des
prix fait baisser le pouvoir d’achat
et provoque depuis six mois un
fort ralentissement économique,
qui semble s’être accentué ces
dernières semaines. « Par rapport
à fin 2019, avant la pandémie, la
consommation réelle est en recul
de 0,9 % en zone euro, alors qu’elle
est en hausse de 8,5 % aux Etats-
Unis, détaille M. Goetzmann. C’est
comme si on avait eu quatre années
de stagnation, alors que les
Etats-Unis ont retrouvé leur tendance
d’avant le Covid, effaçant le
choc de la pandémie. »
Dans ces conditions, la zone
euro est quasi à l’arrêt : croissance
de 0 % au quatrième trimestre
2022 et de 0,1 % au premier trimestre.
L’Allemagne, elle, est en
récession : le produit intérieur
brut a reculé de 0,5 % au quatrième
trimestre 2022 et de 0,3 %
au premier trimestre. La consommation
y a reculé dans tous les
secteurs : alimentation, habillement,
ameublement, automobile…
En France, le tableau s’assombrit
également. « La consommation
des ménages en biens est
inférieure de 4,3 % à celle d’il y a un
an et 6,3 % à son niveau d’avant
pandémie
», note Charlotte de
Montpellier, économiste à la banque
ING. Quant au secteur industriel,
il a sévèrement flanché en
mars dans toute la zone euro,
reculant
de 1,5 % en excluant
l’Irlande
(dont les statistiques
fluctuent violemment pour des
raisons comptables).
« Le risque de récession se précise
», en conclut l’économiste
Véronique
Riches Flores. Ce coup
de frein économique, sans être un
effondrement, va mettre la pression
sur la Banque centrale européenne.
Celle-ci a fait passer son
taux d’intérêt de – 0,5 % à 3,25 %
en moins d’un an. Mais avec une
inflation qui se calme et une économie
en berne, doit-elle continuer
ce resserrement monétaire,
au risque d’étouffer le peu de
croissance qui reste ? Son problème
est que le niveau actuel de
l’inflation reste très éloigné de
son objectif de 2 %.
Par ailleurs, comme le remarque
Jack Allen-Reynolds, du cabinet
Capital Economics, le marché
du travail demeure en bonne
santé : le chômage en avril a
baissé à son plus bas niveau depuis
la création de la zone euro,
à 6,5 %. « Nous ne pensons pas que
[le recul de l’inflation] va arrêter
la BCE d’augmenter ses taux d’intérêt
en juin et probablement en
juillet », estime-t-il, le portant à
3,75 %. La pression sur les ménages
européens va encore continuer
un bon moment.
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