Le ralentissement préoccupant de l’économie européenne
mercredi 16 janv. 2019, source : Journal Le Monde
Les mauvais chiffres de la production industrielle en novembre laissent craindre que le coup de mou enregistré fin 2018 dans la zone euro se prolonge. L’humeur est maussade. Pour ne pas dire franchement déprimée. Dans tous les pays membres, ou presque, l’économie européenne a commencé la nouvelle année sous le signe des inquiétudes. Et la liste de ces dernières est longue : Brexit, montée des eurosceptiques, tensions commerciales…Sans oublier les derniers indicateurs conjoncturels, plutôt mauvais. En novembre 2018, la production industrielle a ainsi dangereusement chuté en France (- 1,3 % sur un mois), en Espagne (– 1,5 %), en Italie (– 1,6 %) et en Allemagne (– 1,9 %). Dans l’ensemble de la zone euro, le plongeon est de 1,7 %, soit le plus fort enregistré depuis début 2016, selon les chiffres publiés lundi 14 janvier par Eurostat. Cela signifie-t-il que le moteur européen est en train de caler ? Le trou d’air est-il passager, ou sommes-nous à l’aube d’une nouvelle récession ? « Difficile d’être positif, on ne voit pas bien d’où viendra la lumière cette année », redoute Philippe Waechter, chef économiste d’Ostrum Asset Management. Il y a un an tout juste, ces mêmes indicateurs prêtaient pourtant à l’optimisme. Voire à l’euphorie, tant les bons chiffres de 2017, dix ans après le début de la crise, laissaient enfin espérer une reprise solide. Cette année-là, profitant du rebond du commerce international et du faible niveau des prix du pétrole, la zone euro a en effet vu sa croissance culminer à 2,4 %. « Elle a atteint un pic, avant de retrouver son rythme de croisière courant 2018, détaille M. Waechter. Un atterrissage prévisible et attendu. La surprise est que celui-ci est intervenu plus vite que ce que nous anticipions. » Et plus fort. Car depuis, la conjoncture européenne est passée du rose au gris. « COCKTAIL DE FACTEURS » Le produit intérieur brut (PIB) de la zone euro a ainsi progressé de 0,2 % seulement au troisième trimestre 2018, au plus bas depuis début 2014. Ceux de l’Italie (– 0,1 %) et de l’Allemagne (– 0,2 %) se sont même contractés, laissant craindre un quatrième trimestre désastreux dans l’ensemble de la région. Selon le Fonds monétaire international (FMI), la croissance de la zone euro ne devrait guère dépasser 2 % sur 2018. Et elle s’annonce plus faible encore cette année. « Depuis quelques mois, un cocktail de facteurs internationaux et nationaux pèse sur la conjoncture, dont certains sont probablement temporaires », explique Nadia Gharbi, chez Pictet WM. Les trois principales économies de la zone euro ont ainsi donné des signes de faiblesse. En Allemagne, la production automobile, poumon de l’industrie, a été sévèrement perturbée par l’entrée en vigueur des nouvelles normes antipollution. « En Italie, les inquiétudes sur la situation politique et les tensions avec Bruxelles sur le budget ont affecté l’économie », ajoute Jack Allen, chez Capital Economics. En France, les manifestations des « gilets jaunes » ont pénalisé certains secteurs, tels que le commerce. Ce qui a convaincu la Banque de France d’abaisser sa prévision de croissance pour le quatrième trimestre à 0,2 %, contre 0,4 % estimé précédemment. Ces effets transitoires s’estomperont ils début 2019 ? « C’est la grande question : tout le monde guettera les signes de rebond en France et en Allemagne », note Mme Gharbi. D’autres facteurs risquent néanmoins d’obscurcir l’horizon des deux côtés du Rhin. A commencer par le ralentissement de l’empire du Milieu. Au troisième trimestre, la croissance du pays s’est établie à 6,5 %, au plus bas depuis début 2009, selon les chiffres officiels. Et tout porte à croire que ce moindre dynamisme va se prolonger, le pays ayant accusé en 2018 la plus forte baisse de ses exportations en deux ans. « Les exportations de la zone euro vers la Chine en seront affectées, prévoient les économistes de Nomura. Et cela pourrait devenir plus sérieux encore si les discussions commerciales entre Pékin et Washington échouent. »
L’INFLATION DEVRAIT RESTER MODÉRÉE : La croissance des Etats-Unis, principal partenaire commercial de l’Europe, devrait elle aussi fléchir, passés les effets dopant de la réforme fiscale du président Donald Trump. D’autant que l’économie américaine débute sa dixième année de croissance consécutive – une durée exceptionnellement longue au regard des standards historiques, laissant penser que le cycle ne devrait pas tarder à se retourner. S’ajoutent à cela les incertitudes politiques propres au Vieux Continent. Comme celles entourant les élections européennes de mai, susceptibles de donner plus de poids aux eurosceptiques dans le prochain Parlement européen. Ou encore, celles liées au Brexit. Les doutes quant à l’issue des négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne handicapent déjà l’économie britannique, où l’investissement est au point mort, nombre d’entreprises préférant attendre d’y voir plus clair. En cas de « no deal », la croissance de la zone euro pourrait être amputée de 0,25 point de PIB cette année, selon les estimations de Pictet WM. « Elle pourrait même tomber à un niveau inférieur à son potentiel », notent les économistes de Nomura, jugeant qu’elle ne devrait guère progresser de plus de 1,1 % en 2019. Seulement voilà : à tout voir en noir, on en oublierait presque que les fondamentaux de l’union monétaire ne sont pas si mauvais. « Les conditions de crédit et d’emploi restent même très favorables », rappelle Mme Gharbi. Le taux de chômage est ainsi tombé à 7,9 % en novembre, retrouvant son plus bas niveau depuis octobre 2008. Une excellente nouvelle pour le pouvoir d’achat des ménages, car la bonne tenue du marché du travail devrait se traduire, courant 2019, par des hausses des salaires. « Selon nos estimations, celles-ci devraient rapporter 50 milliards d’euros en plus dans les poches des ménages de la zone euro », détaille Angel Talavera, d’Oxford Economics, dans une note sur le sujet. Selon lui, les revenus réels des ménages devraient progresser de 1,9 % cette année, soit la plus forte augmentation depuis 2006. Au reste, l’inflation, elle, devrait rester modérée. Selon les prévisions de la Banque centrale européenne (BCE), elle devrait s’établir à 1,6 % sur l’ensemble de l’année, contre 1,8 % en 2018. Dans ces conditions, l’institut monétaire, soucieux d’éviter la surchauffe des prix, n’a aucune raison de hâter le retrait de ses soutiens à l’économie. « Il ne devrait pas remonter ses taux directeurs avant 2021 », estime Jack Allen. En décembre, la BCE a certes mis fin à ses rachats nets de dettes publiques et privées (le quantitative easing en anglais, ou QE). Mais elle continue de racheter les titres arrivant à échéance. Grâce à quoi, les Etats membres profiteront encore de taux d’emprunt historiquement bas ces prochains mois
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