Peugeot SA et Fiat Chysler Le mariage du siècle dans le secteur automobile
lundi 23 déc. 2019, source : Investir, le Journal des Finances
Bouleversement Pour faire face au défi de la mobilité propre, les deux constructeurs européens ont décidé
de s’unir. Au programme : économies d’échelles et meilleure couverture géographique.
En août 2013, Carlos Tavares,
numéro deux de
Renault, était « remercié
» par Carlos Ghosn,
alors patron tout-puissant de
l’Alliance Renault Nissan : il avait
osé déclarer qu’il aspirait à diriger
un jour un grand constructeur
automobile. Six ans plus tard, il
tient sa revanche ; dans douze à
quinze mois, après avoir obtenu
l’aval des différentes autorités de la
concurrence, il sera au volant du
quatrième groupe automobile
mondial. Et, pour ajouter encore à
sa satisfaction, il atteint ce Graal en
ayant soufflé ce mariage avec Fiat
Chrysler… à Renault.
CARLOS TAVARES,
L’HOMME FORT
Mais cette victoire du nouveau
« pape » mondial de l’automobile
est cher payée par les actionnaires
du groupe français, alors que
Peugeot était nettement mieux
valorisé en Bourse que le groupe
italo-américain (voir encadré). Un
déséquilibre d’autant plus étonnant
que, dans le mercato des
dirigeants du secteur, Carlos
Tavares, l’homme qui a sauvé
Peugeot et redressé à la vitesse de
l’éclair Opel-Vauxhall, a une valeur
qui aurait pu, au contraire, offrir
une prime au constructeur
français.
Les termes du memorandum of
understanding, l’accord qui lie
désormais les deux fiancés, ne
sont pas très différents de ceux qui
avaient été présentés fin octobre,
lors de l’annonce du projet. Il s’agit
d’une fusion entre égaux, les
actionnaires de chacun des deux
groupes détenant la moitié du
capital de la nouvelle société.
Basée à Amsterdam, elle sera
cotée à Paris, Milan et New York.
Le conseil d’administration sera
composé de 11 membres, 5 choisis
par le camp français et 5 par l’italien,
le dernier étant Carlos Tavares,
le directeur général. Le
président du groupe sera John
Elkann, l’héritier de la famille
Agnelli et le premier actionnaire
du futur ensemble, via le holding
familial Exor, avec 14,5 % du capital.
Les trois actionnaires de référence
de Peugeot (la famille, l’Etat
français via Bpifrance et le chinois
Dongfeng) détiendront chacun
6,1 %. Toutefois, pour éviter de
froisser les autorités américaines,
qui pourraient voir d’un mauvais
oeil un chinois détenir une part
importante d’un constructeur
automobile en partie américain,
Dongfeng redescendra sous les
5 %.
« Pour faire face aux défis qui nous
attendent, nous serons mieux armés
ensemble qu’en restant chacun de
notre côté », a résumé Carlos Tavares,
ajoutant que, « derrière le défi
du CO2, il y a aussi le coût de la mobilité.
Les clients attendent de nous une
mobilité sûre, propre et abordable. »
Et, pour tenir cet objectif tout en
restant très rentable, le groupe
mise sur des synergies de 3,7 milliards
atteintes à 80 % dès la quatrième
année. 40 % proviendront
de la mise en commun des investissements
dans la chaîne de traction,
en particulier électrique, et
du regroupement des plateformes,
une recette qui a fonctionné
à merveille chez Opel.
PLATEFORMES COMMUNES
Deux plateformes, l’une sur les
petites voitures et l’autre sur les
véhicules de taille moyenne,
devraient permettre de produire
plus de 5,6 millions de voitures à
terme, soit les deux tiers des ventes.
Les économies d’échelle au
niveau des achats fourniront 40 %
des synergies, les 20 % restant
seront trouvés du côté des frais
généraux, du marketing ou de la
logistique.
Outre l’effet de taille, l’autre atout
de ce mariage pour Peugeot est
d’élargir son champ d’action géographique.
Si Carlos Tavares a
redoré la crinière du Lion de
Sochaux en mettant l’accent sur la
rentabilité, cela s’est fait, même si
ce n’était pas le but, en réduisant la part des ventes réalisées en Chine,
en Amérique latine ou en Russie.
Le groupe Peugeot est redevenu
un acteur presque uniquement
(88 % du chiffre d’affaires) européen.
A l’inverse, Fiat Chrysler
réalise les deux tiers de ses immatriculations
en Amérique du Nord
et 7 % en Amérique latine. Le nouvel
ensemble sera donc plus diversifié
géographiquement, même s’il
restera faible en Asie. Pour Fiat
Chrysler, la fusion permet surtout
de combler des lacunes technologiques,
en particulier dans le
domaine des véhicules électriques,
et de trouver une solution
pour sa gamme européenne, qui
repose presque uniquement sur la Fiat 500. Sur le papier, l’union des
deux groupes permet donc à chacun
de réduire ses points faibles et
de mieux affronter les défis
actuels du secteur automobile.
Après, tout sera affaire d’exécution.
Carlos Tavares a prouvé son
savoir-faire avec Opel, mais là il
s’attaque à beaucoup plus gros et
plus complexe avec une fusion
entre égaux. - RÉMI LE BAILLY
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