La Fed privilégie la croissance aux dépens des risques inflationnistes
lundi 22 mars 2021, source : Investir, le Journal des Finances
Etats-Unis La banque centrale n’a pas modifié sa politique monétaire. Elle a révisé en hausse ses prévisions
de croissance et d’inflation, mais refuse de croire à un dérapage durable des prix. Les taux longs se tendent.
Si la Réserve fédérale –
la banque centrale
américaine – voulait
faire reculer le billet
vert, écraser les taux d’intérêt à
court terme, réduire les taux
courts réels anticipés, au prix de
tensions de la partie longue de
la courbe des taux, elle a réussi
sa mission.
Réunis en conclave, ses membres
ont annoncé, mercredi,
maintenir les taux directeurs à
l’identique et ne pas modifier la
politique d’achats d’actifs financiers.
CROISSANCE ET INFLATION
Dans le même temps, ses prévisions
économiques ont été révisées
en haus se. Plus de
croissance et davantage d’inflation
: voici le panorama décrit
par les services économiques de
la Fed.
L’économie devrait ainsi croître
de 6,5 % en 2021 (4,2 % annoncé
en décembre), le taux de chômage
continuer à diminuer (à
4,5 % en 2021 et à 3,9 % en 2022)
et l’inflation accélérer, de + 1,8 %
prévu en décembre à + 2,4 %
pour cette année. Mais, la progression
des prix évoluera proche
de 2 % jusqu’en 2023. Le
rebond de l’inflation est jugé
temporaire par l’institution
monétaire.
Patrice Gautry, chef économiste
de la banque suisse UBP, souligne
que « la Fed écarte pour l’instant
toute hausse de taux
directeurs, ainsi d’ailleurs que
toute intervention sur les marchés
obligataires après les tensions
observées ces derniers mois, en
dehors de ses achats réguliers de
titres obligataires ». L’expert
ajoute : « Les taux de long terme
pourront donc continuer à monter
sans que la Fed agisse, tant que les
marchés du crédit et des actions
résistent . »
La banque centrale va donc
délibérément laisser la « reflation
» se poursuivre et le chômage
di sparaî t re avant
d’infléchir sa politique. C’est un
changement de doctrine : attendre
et voir avant d’agir. Et cela
prendra du temps, car le chômage
et l’inflation sont des
variables retardées de l’activité
économique. La conséquence
sera une augmentation inévitable
des rendements obligataires.
Patrice Gautry estime que la
Fed se « positionne behind the
curve, soit après les mouvements
de courbe de taux et de rebond
d’activité, ce qui constitue un
choix stratégique nouveau et
important dans l’histoire de la
banque centrale américaine ».
L’institution monétaire veut
clairement peser sur la partie de
la courbe de taux allant du jour
le jour à 2 ans, qui demeure très
faible (la pente est toujours
négative) et non sur la partie
2 ans-10 ans, qui n’en est qu’au
début de sa pentification. C’est
un classique des périodes de
reprise économique.
QUELLE EXPANSION
DE LONG TERME ?
Une question interpelle toutefois
les économistes. La prévision
de croissance pour 2023 est
abaissée à 2,2 %, au lieu de 2,4 %,
alors que le président américain,
Joe Biden, a fait adopter
par le Congrès un plan massif de
1.910 milliards de dollars. Certes,
l’essentiel des crédits budgétaires
aura été dépensé d’ici
cette date éloignée, mais il est
difficilement concevable que
l’élan de 2021 et 2022 soit stoppé
aussi brutalement. Alors ? « La
Fed doute-t-elle de l’efficacité du
programme envisagé (plus de
7.000 milliards sur dix ans) ou de
la capacité de l’Administration à
les mettre en place ? », s’interroge
Véronique Riches-Flores, présidente
de RF Research.
Autre hypothèse, la banque centrale
fait semblant de ne pas voir
le risque de tensions pour favoriser
le plus longtemps possible
une politique monétaire extrêmement
agressive. .
Les économistes considèrent
que les banquiers centraux sont
beaucoup plus à l’aise pour lutter
contre une accélération de
l’inflation que le contraire. C’est,
en outre, bien ce que les banques
centrales, Réserve fédérale
en tête, cherchent à réaliser
depuis des années avec les programmes
de quantitative easing.
La Fed veut peut-être aussi
compenser la fin, prévue le
31 mars, de mesures d’assouplissement
(adoptées durant la
crise sanitaire) sur les contraintes
en capital imposées aux banques.
Les marchés ont l’air, pour l’instant,
d’accepter ce scénario.
Pour combien de temps ? Ils s’en
aviseront peut-être quand la
hausse des taux longs commencera
à peser sur l’activité de
l’immobilier résidentiel. Il sera
alors trop tard. A surveiller.
- PHILIPPE WENGER
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