La Fed relève ses taux d’un demipoint pour la première fois depuis 2000
mercredi 11 mai 2022, source : Investir, le Journal des Finances
La banque centrale américaine a rassuré en écartant la possibilité d’une hausse des taux
de 75 points de base. La réduction du bilan commencera en juin.
V
oilà un tour de force qui
restera dans les annales
des banquiers centraux. Le président de
la Réserve fédérale, Jerome
Powell, a réussi à relever vigoureusement les taux directeurs, le
4 mai, tout en rassurant les marchés. Après un premier tour de vis
de 25 points de base en mars dernier, l’objectif des fed funds a été
relevé de 50 points de base, à une
fourchette comprise entre 0,75 %
et 1 %. Un resserrement d’une
ampleur qui ne s’était pas vue
depuis vingt-deux ans. C’est aussi
la première fois depuis 2006 que
la Fed procède à deux tours de vis
lors de deux réunions de suite.
MARCHÉ DE L’EMPLOI
Il fallait au moins cela pour lutter
contre une inflation devenue
incontrôlable, à 6,6 % en glissement annuel en mars, pour
l’indice (PCE), le préféré de la
Fed. Depuis se sont ajoutées les
pressions inflationnistes liées à la
guerre en Ukraine et aux problèmes d’approvisionnement provoqués par les confinements en
Chine (lire ci-contre).
La banque centrale s’inquiète
aussi du déséquilibre sur le marché de l’emploi : les postes
vacants étaient en mars deux fois
supérieurs au nombre de demandeurs d’emploi, ce qui pousse
naturellement l’inflation vers le
haut. Mais cette hausse des taux
était largement attendue, et, surtout, Jerome Powell est parvenu
à calmer les anticipations des
marchés, indiquant qu’une
hausse de 75 points de base lors
d’une prochaine réunion n’était
pas une option que « le comité
monétaire [avait] activement considérée ». De quoi rassurer les
investisseurs, qui craignaient un
virage trop serré de la politique
monétaire. Au lieu de ça, « il y a un
vaste consensus du comité sur 50
points de base additionnels sur la
table lors des deux prochaines réunions », a déclaré Jerome Powell.
Si tel était le cas en juin et en
juillet, suivi de hausses de taux
d’un quart de point à chaque réunion d’ici à la fin de l’année, les fed funds seraient portés à une fourchette comprise entre 2,5 % et
2,75 % en décembre. Ces propos
ont provoqué une hausse immédiate des marchés d’actions.
DU QE AU QT
Autre annonce phare de
cette réunion de politique
monétaire, la banque centrale commencera à réduire
son bilan, lourd de près de
9.000 milliards de dollars dès
le mois de juin. Après le quantitative easing (QE), outil
déployé depuis la crise des
subprimes pour alimenter
l’économie en liquidités
grâce à l’achat de titres, place,
donc, au quantitative tightening (QT). La Fed commencera
par se défaire chaque mois de
30 milliards de dollars de bons du
Trésor et de 17,5 milliards de dollars de titres hypothécaires. Des
montants qui seront doublés à
partir du mois de septembre. Là
aussi, le rythme et la rapidité de
l’action après la crise n’ont jamais
été aussi élevés. « Résultat, nous
attendons une baisse de l’inflation
à 4 % avant la fin de l’année », anticipe la banque UBS.
GARE À LA CROISSANCE
Et la croissance, alors ? Depuis
l’éclatement de la guerre en
Ukraine, les économistes n’ont
eu de cesse d’abaisser leurs prévisions de croissance, pour la
première économie mondiale
comme pour les autres. La probabilité de récession n’est plus
anecdotique, comme l’a montré
le dangereux rapprochement
entre les taux courts et les taux
longs américains. Une inversion
de la courbe des taux est en effet
presque toujours annonciatrice
de récession.
Encore une fois, Jerome Powell
a rassuré sur le sujet. « Si l’inflation reste au centre des préoccupations, Jerome Powell a souligné
qu’il aurait besoin d’agilité en
fonction des données à venir »,
indique Allison Boxer, économiste chez Pimco. Autrement
dit, après les hausses de taux
expéditives de l’été, la Réserve
fédérale devra improviser si les
indicateurs économiques se
détériorent. Pour le moment,
malgré la baisse du PIB au premier trimestre, liée essentiellement à la variation des stocks et
au commerce extérieur, l’investissement et la consommation se
sont maintenus. Mais les enquêtes du climat des affaires et le
marché immobilier ont déjà
commencé à se détériorer. A surveiller de près.
- CAROLINE MIGNON
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